Le prochain Messie sera un clodo avec un fusil de chasse

Jubilation.

C’est le premier mot qui me vient en tête pour décrire l’expérience que j’ai vécue en allant voir Hobo with a shotgun au cinéma cette semaine. Le rush que j’ai ressenti, porté par une transe quasiment mystique, ne peut se comparer qu’avec l’état dans lequel je me trouvais après avoir vu Natural Born Killers pour la première fois. La réalité a shifté imperceptiblement pour moi ce soir-là, comme l’axe de la Terre après un méga séisme.

Pour le psychoholique que je suis, Hobo with a shotgun brille désormais au firmament du trash, parmi les astres les plus brillants tels que Toxic Avenger, Pink Flamingos, Evil Dead, Street Trash. Non seulement Hobo est-il le meilleur projet issu de l’aventure Grindhouse de Tarantino-Rodriguez mais il surpasse même la somme de ses parties. Si Planet Terror, Death Proof et Machete contenaient chacun leurs morceaux d’anthologie, Hobo with a shotgun est un tour en montagnes russes du premier frame au dernier, qui ne laisse au spectateur aucune chance de reprendre son souffle tant qu’il ne gît pas au tapis, la gueule ouverte et les bras en croix.

Ce que ce cocktail molotov cinématographique prouve en embrasant ta rétine, c’est que le cinéma a toujours le pouvoir de se pratiquer comme le vandalisme, voire le terrorisme. C’est qu’entre les mains d’un maniaque ou d’un illuminé, le septième art peut encore malmener la conscience de son public, agresser sa psyché d’une manière que n’aurait pas renié Antonin Artaud. À l’ère du PG-13 et des sagas de vampires au collège, ce constat a pour moi été une bouffée vitale insufflée à même mes poumons suffoqués.

Le monde désespéré, impitoyable, absurde et sanguinaire dépeint dans le film de Jason Eisener n’est que le reflet à peine amplifié du Grand Guignol qui se joue sous nos yeux quotidiennement. Son commentaire social cinglant, à un milliard de lieues de toute subtilité, nous rappelle l’horreur de la farce que nous subissons sans broncher, pétrifiés dans nos cocons de solitude et de peur. Troupeau de moutons pelés priant pour l’avènement d’un Messie capable de vaincre le Mal et de sauver nos âmes avant la pesée des âmes. C’est ainsi que le Christ en haillons, magistralement interprété par Rutger Hauer, se lèvera et s’offrira en sacrifice pour racheter nos péchés.

J’aurais envie de vous parler encore longtemps des nombreuses influences (Troma en tête) dont regorge le film, de son ambiance glauque et de sa réalisation démentielle. Mais je ne voudrais en rien enlever au choc et à la stupeur qui vous attendent si vous acceptez de subir le visionnement de Hobo with a shotgun.

De nos jours, les oeuvre dangereuses sont aussi rares que les spectateurs susceptibles de les fréquenter. Il faut remonter à Cronenberg, dans notre patrimoine cinématographique, pour retrouver un tel potentiel de cauchemar au grand écran. Vous voilà prévenus.

Maintenant, âmes égarées, prenez la main que vous tend le gueux au fusil de chasse. Laissez-le vous guider vers la transfiguration.

Une offre comme ça ne se représentera peut-être plus avant vraiment très longtemps. Si elle se présente à nouveau.

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One Response to “Le prochain Messie sera un clodo avec un fusil de chasse”
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  1. Le prochain Messie sera un clodo avec un fusil de chasse « TERREUR!TERREUR!…

    «Jubilation. C’est le premier mot qui me vient en tête pour décrire l’expérience que j’ai vécue en allant voir Hobo with a shotgun au cinéma cette semaine.»…



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